Where no man has learned before

18 Déc


Calendrier du 18 décembre 2021
par Guillaume Singeot, STRATICE

Alors voilà, j’aime la science-fiction. Pas celle des super-héros (quelle idée de porter son caleçon par-dessus ses collants !) mais celle où « réfléchir, c’est fléchir deux fois » (La Zone du Dehors, 1999, Damasio), et surtout celle qui commence par « where no man has gone before » (Star Trek).

J’ai parfois du mal à convaincre nos confrères et nos consœurs voir mes propres collègues (ils se reconnaitront) que la science-fiction nous apporte une autre vision de la formation, à la fois sur les moyens mais aussi sur les objectifs de nos actions. Oui, je sais, je m’emporte peut-être mais l’Utopie Star Trek présente une humanité apaisée où chacun a sa place, n’est-ce pas là également un des rôles de la formation, de l’éducation des adultes ? On ne plaisante pas avec Star Trek. 

Attention, minute culturelle : qui selon vous a imaginé les systèmes de visio que nous utilisons presque naturellement dans nos formations à distance ? (J’ai posé cette question lors d’un atelier récemment, espérant intéresser mon public… ce fût un de ses grands moments de solitude que nous avons tous connu)

On retrouve les premières traces de système de visio vers 1880 dans le roman « Le Vingtième Siècle. La vie électrique » d’Albert Robida. Il appelle ça le « téléphonoscope » (on dirait presque du Steampunk !) et son téléphonoscope permet non seulement la visiophonie mais propose également des programmes de divertissement noyés sous la publicité. Ça vous rappelle quelque chose ? Peut-être nos plateformes de vidéo sur Internet ? (Certains vous parleront de « Métropolis », le film de Fritz Lang de 1927, et c’est bien les premières images animées d’un système de visio)

Vous avez entendu parler des LMS ? Et bien dans un des épisodes de Star Trek Next Generation, il y a une scène dans l’école de l’Enterprise où les enfants apprennent avec l’aide de leur enseignante directement sur l’ordinateur du navire ! Cela leur permet d’avancer à leur rythme et d’avoir des contenus sélectionnés. Même l’individualisation en formation est dans Star Trek !  Je ne me souviens plus des références de l’épisode et j’offre un Raktajino, version terrienne, à la première personne qui nous la retrouvera.

Vous avez entendu parler du développement de l’usage de l’intelligence artificielle en formation ? N’oublions pas HAL 9000 de « 2001, l’Odyssée de l’Espace », qui reste quand même la plus belle IA qu’un homme ait pu imaginer !

Le futur, Mesdames, Messieurs, arrive à grand pas : Mark Zuckerberg se lance dans les métavers et on ose nous parler de grande nouveauté. En fait, il a certainement lu, comme vous j’espère, « Neuromancien » (Gibson, 1984) ou « Cablé » (Williams, 1986). Ne parlons même pas des lunettes de réalité augmentée, Gibson l’a déjà fait en 1993 avec une paire qui dessine les plans des futurs bâtiments d’une ville. Nous pouvons même commencer à deviner notre avenir : lisez « Nécroville » (McDonald, 1994) et vous y découvrirez une avocate qui se connecte à un tribunal virtuel dont le juge est une intelligence artificielle. Et que ceux qui nous parlent de réalité virtuelle se rappellent l’holodeck de Star Trek.

Alors oui, répétons-le : la science-fiction ne parle pas uniquement du futur, elle parle surtout de notre présent. C’est pour cela qu’un Jules Verne va nous parler de voyage sur la lune alors que les écrivains actuels nous décrivent souvent des univers dystopiques. Elle met en perspective ce que les progrès technologiques peuvent impliquer comme changements dans notre société. Vous rappelez-vous « Soleil vert », le film comme le livre, qui reste une œuvre majeure de la science-fiction écologique ? Vous rappelez-vous la série télé « L’Âge de cristal » qui aborde la régulation de la démographie du fait de manque de ressources naturelles ?

Soyons plus optimistes : consacrons ces quelques lignes à Gene Roddenberry. Lui nous décrit un univers où un homme blanc peut embrasser une femme noire à la télévision américaine en 1968, Lui nous décrit un univers où l’homme ne mange plus de viande animale mais en synthétise les protéines, Lui nous décrit un univers où l’argent n’a plus de valeur aux yeux de l’être humain …  Lui (avec une majuscule), c’est le créateur de Star Trek et de son Utopie (là aussi, avec une majuscule).

« Nous reconnaissons à notre grand regret que l’humanité a été, il y a longtemps, une espèce abjecte et malfaisante. » Capitaine Picard, Date stellaire 41153.7 (soit l’année 2364 de notre calendrier).

Que peut nous apporter Star Trek dans le monde de la formation ? Un regard bienveillant, l’envie d’aller plus loin, la croyance en un futur meilleur, en une humanité meilleure. Ne retrouvons-nous pas là les principes de développement social de la formation des adultes ? 

La saga Star Trek dépeint un modèle de société utopique et progressiste, et ça fait du bien ! Les systèmes de formation décrits dans Star Trek se rapprochent de la pédagogie Montessori et des écrits de Condorcet sur la perfectibilité de l’être humain. 

Professionnels de la formation, lisez l’ouvrage « Apprendre, si par bonheur » (Chambres, 2019), un texte court, bienveillant, qui nous appelle à découvrir, à être curieux tout en interrogeant notre éthique et notre impact sur l’environnement.

Alors oui, la science-fiction nous projette dans notre propre futur que ce soit en jetant son regard sur les valeurs de la société ou sur les progrès technologiques. Souvent considérée comme un genre mineur en France, espérons que ses auteurs continuent à nous faire rêver et à nous donner envie de progresser.  Pour terminer ces quelques notes, vous serez certainement ravi d’apprendre que devant la recrudescence d’œuvres dystopiques, un nouveau mouvement est né il y a quelques années : le SolarPunk, pour un futur optimiste. Une conclusion s’impose : Now Future ! …et bien évidement, live long and prosper !

crédits photos : pixabay