Genially et H5P, quel modèle de création de ressources d’apprentissage en ligne ?

14 Déc


Calendrier du 14 décembre 2021
par Jean-Yves LOIGET, STRATICE

Genially et H5P, outils qui ont aujourd’hui le vent en poupe, représentent deux façons (pour ne pas dire deux philosophies) de créer des ressources d’apprentissage en ligne.
Avec H5P, dès le choix du type de contenu, nous sommes plongés dans des interfaces où l’on remplit des champs de formulaires ; s’il s’agit d’un QCM, champ pour l’intitulé de la question, champs pour les réponses, champs pour les rétroactions…

Nous sommes pris dans les mailles de chaines éditoriales, comme nous pouvons l’être dans les modèles documentaires du projet SCENARI, comme nous le sommes aussi dans les formulaires de paramétrage des LMS.
Avec Genially, nous sommes dans un modèle de pages blanches, pages sur lesquelles nous venons librement déposer et disposer les éléments composant leur contenu : textes, images, vidéos, ressources audio. Les nombreux exemples de productions (trop nombreux peut-être) mis à notre disposition n’aliènent pas notre liberté et ne remettent donc pas en cause le modèle. Une fois sélectionné un exemple (appelé aussi modèle), nous pouvons modifier, à notre guise, les éléments qui composent la ou les diapositives : en retirer, en ajouter.
Bien sûr, cette liberté n’est pas absolue : nous ne pouvons pas enrichir de types nouveaux les types d’interactivité par défaut de l’application. Idem pour les types de transition entre diapositives. Nous ne pouvons pas non plus basculer en mode code source, modifier le code généré, adapter, enrichir l’interactivité ou la transition sélectionnée.
A contrario, dans H5P, les champs que nous sommes invités à remplir ne nous laissent pas tous sans marge de manœuvre : beaucoup se présentent sous la forme de zones d’édition où nous pouvons opter pour une police de caractère, une taille de texte, un alignement…

Il est difficile, dans les limites de ce billet, d’évaluer la pertinence de l’un ou l’autre modèle : modèle chaine éditoriale, ou modèle pages blanches.

Les pages blanches ne risquent-elles pas de détourner l’attention, l’énergie du concepteur (enseignant ou formateur) de la finalité de sa production, à savoir une ressource d’apprentissage efficace pédagogiquement. Au-delà de la question du temps perdu à hésiter si c’est mieux avec telle couleur, telle position, un peu plus à gauche, un peu moins en bas…, il y a celle de notre capacité à courir deux lièvres à la fois, non pas tant que nos facultés intellectuelles sont limitées, mais parce qu’il y a un phénomène de vases communicants entre les importances relatives qu’on accorde à tel ou tel aspect de la ressource d’apprentissage. Plus d’importance donnée à l’infographie, moins d’importance donnée à la pédagogique, et vice versa. Ainsi, plus un outil fait appel aux aptitudes infographiques du concepteur, plus celui-ci ne risque-t-il pas de juger celles-là essentielles et d’en négliger d’autres, comme la scénarisation, ou plus simplement la qualité de l’expression écrite.

Quant au modèle de chaine éditoriale, s’il préserve du détournement de finalité, ne risque-t-il pas d’amener à des productions fades, sans saveur ? Cela pose la question plus générale du fond ou de la forme. Faut-il privilégier l’une à l’autre ? La forme des ressources d’apprentissage est souvent évoquée et invoquée pour développer ou renforcer la motivation des apprenants, ou pour provoquer les effets wahoo recherchés par certains prescripteurs de formation. Elle sera au contraire moins essentielle dans les formations universitaires.

Bref, sur les deux modèles en question (chaine éditoriale vs pages blanches), il y a plus d’interrogations que de réponses. C’est pourquoi il ne faut surtout pas écarter idéologiquement (même si, en la matière, l’idéologie n’est jamais bien loin, faute de protocoles d’évaluation pertinents) l’un au bénéfice de l’autre, mais plutôt mesurer pragmatiquement, dans le concret des projets de transformation digitale, leurs avantages et les inconvénients respectifs.

crédits photos : adobestock