LMS : Les limites de l’hyperfonctionnalité

25 Avr


Certains LMS — et Moodle en est l’exemple emblématique — offrent aujourd’hui une telle richesse fonctionnelle qu’ils semblent pouvoir déborder leur périmètre initial (gérer des utilisateurs, des formations, créer des ressources, organiser des parcours individualisés, suivre la progression des apprenants, générer des certificats, etc.) et être à même de remplacer d’autres applications, comme les TMS (Training Management Systems), les outils de gestion RH, voire certains CMS ou ENT.

Cette vision est en grande partie illusoire.

Tout d’abord, pour des raisons d’architectures techniques, de capacité d’hébergement, les LMS, qui sont des applications pour les échanges asynchrones, disposent rarement d’outils de classes virtuelle ou d’édition collaborative (outils que l’on trouve dans les grandes suites collaboratives : Microsoft 365Google Workspace).

Ensuite et surtout parce que, souvent, l’hyperfonctionnalité1 à l’œuvre n’est pas un élargissement, mais un approfondissement fonctionnel. 

Prenons un premier exemple : le carnet de notes Moodle. Cet outil est d’une complexité redoutable et d’une richesse fonctionnelle considérable.

Il permet (liste non exhaustive) :

  • de créer des catégories de notes, par exemple une catégorie Travaux de groupe, une catégorie Travaux individuels ;
  • de définir pour chaque catégorie des tendances (somme, moyenne, médiane des notes…) ;
  • d’appliquer aux notes et aux catégories de notes des coefficients ;
  • d’exclure des notes (notes trop hautes ou trop basses) ;
  • d’appliquer des bonus ;
  • de supplanter les notes issues des activités d’évaluation ;
  • de consulter l’historique de l’attribution des notes ;
  • de remplacer les notes chiffrées par des lettres ;
  • d’importer des notes issues d’activités réalisées en dehors de la plateforme (notes d’oral par exemple) ;

Le carnet de notes approfondit ainsi l’évaluation pédagogique dans le cadre restreint du cours, et répond aux besoins des enseignants et des formateurs qui, dans les formations diplômantes, évaluent souvent et de multiples façons. Il synthétise dans des tableaux paramétrables les notes d’un apprenant, d’un groupe d’apprenants, de tous les apprenants suivant la formation. Il organise les évaluations par type, par objectifs, les distribue selon des compétences ou des types d’activités. Il accorde un poids relatif à chacune d’elles.

Mais il n’élargit pas ses fonctionnalités vers l’édition de bulletins scolaires ou de relevés de notes. Ces fonctionnalités relèvent des TMS (on pense ici à Yparéo) ou d’applications spécialisées, comme Apogée dans les universités françaises.

Prenons un second exemple, toujours dans Moodle, et non moins redoutable : le système de gestion des compétences.

Cet outil permet :

  • de définir des référentiels de compétences hiérarchisés (domaines > sous-domaines > compétences, sous-compétences) ;
  • d’associer aux compétences des barèmes de maîtrise (par exemple : non atteintpartiellement atteintatteintmaîtrisé) ;
  • d’associer les compétences aux activités pédagogiques créées dans les cours ;
  • d’afficher des rapports d’acquisition des compétences, dans un cours, ou pour plusieurs cours ;
  • de créer des plans de formation visant l’acquisition d’une ou plusieurs compétences.

C’est un outil au service de l’ingénierie pédagogique de l’organisme de formation. Un outil transversal, car un référentiel de compétences a pour vocation à être partagé dans plusieurs cours, plusieurs formations. Mais, un outil qui, en aucun cas, ne saurait se substituer à un SIRH ou un portefeuille de compétences professionnel.

Ainsi, sous la pression de leurs utilisateurs principaux (enseignants et formateurs), les LMS accroissent leurs fonctionnalités, creusent leurs sillons, mais sans labourer le champ voisin. Ils rendent alors plus cruciale la question de leur interfaçage et de leur compatibilité avec les autres applications de l’organisme de formation. Ce qui nous ramène à l’importance d’avoir une vue 360 de ces applications et de l’éco-système technique (cf. Notre article : LA DIGITALISATION DES OF EST UN PUZZLE : L’APPORT DES SOCIÉTÉS DE CONSEIL). Une vue que les sociétés de conseil sont les plus à même d’apporter.


  1. Par hyperfonctionnalité, on entend l’enrichissement progressif d’un outil numérique par l’ajout de fonctionnalités multiples, souvent en réponse aux besoins de virtualisation exprimés par ses utilisateurs, tout en restant ancré dans son périmètre métier d’origine. ↩︎