Qu’est-ce que j’aime dans le numérique ?

19 Déc

Calendrier du 19 décembre 2021
par Jean-Yves Loiget, STRATICE

Le numérique, ce sont des machines, des appareils, des applications, des interfaces, des réseaux, des programmes, des fonctionnalités, des usages, des transformations organisationnelles, des bouleversements civilisationnels, une vision du monde… De multiples dimensions donc, des réalités variées, des enjeux complexes.

Quand on travaille dans le numérique ou avec le numérique, on ne peut, bien sûr, pas embrasser toutes ses dimensions. On ne peut pas non plus apprécier, se sentir à l’aise, avoir de l’appétence pour chacune d’elles. C’est moins une question de limites intellectuelles que de penchants. On ne peut pencher de plusieurs côtés à la fois. Et même en admettant que cela soit possible, si l’on penche plus d’un côté ou de certains côtés, c’est pour moins pencher vers des autres, selon un principe de vases communicants.

Les expériences professionnelles, les formations suivies, les histoires personnelles, font que l’intérêt va se porter vers telle dimension, telle problématique, tel enjeu, forcément au détriment d’autres. Elles vont donc donner lieu à de multiples inclinations qui se compléteront, se compenseront plus ou moins bien dans les différentes organisations où œuvrent les personnes.

Au-delà ou en deçà de leurs nombreuses différences, on peut, il me semble, classer les inclinations en deux grandes catégories : d’un côté, une inclination pour les outils, un plaisir à les utiliser (jusqu’à en abuser), de l’autre, l’intérêt porté aux objectifs à atteindre. On peut retrouver cette distinction à différents niveaux, dans différents contextes.

Côté inclination pour les outils, c’est l’enseignant qui prend plus de plaisir à utiliser Word pour mettre en forme un cours qu’à créer un contenu pédagogique pertinent. C’est le chef de projet qui se complait dans l’élaboration de tableaux et de diagrammes en tous genres, au détriment d’une proximité avec les équipes qu’il manage. C’est le community manager d’une entreprise qui entre dans la frénésie des réseaux sociaux, et ne se pose pas la question de leur intérêt.

Côté inclination pour les objectifs à atteindre, c’est l’étudiant qui utilise l’outil de révision le plus efficace, et non pas l’outil le plus « sympa ». C’est le responsable informatique qui choisira, non l’équipement dernier cri, mais celui offrant la meilleure compatibilité avec l’ écosystème technique. C’est l’enseignant qui privilégie l’efficacité d’un PDF au plaisir procuré par la création d’une ressource interactive avec le dernier outil auteur à la mode.

Bien sûr, personne n’appartient complètement, soit à une catégorie, soit à une autre. On dit que le genre humain se divise en deux grands types : les itinérants et les sédentaires, cela ne veut pas dire que chacun d’entre nous est soit complètement l’un, soit complètement l’autre, ne sort jamais de son village ou déménage tous les 15 jours. De même, personne ne se complait dans les outils numériques sans jamais prendre en considération ce qu’ils peuvent apporter. C’est là encore une histoire de penchant, d’inclination, de tendance.

Il est, me semble-t-il, important, que les consultants, les experts, les formateurs qui interviennent dans le numérique, et plus particulièrement dans le numérique éducatif, soient conscients de leur propre penchant, se posent donc la question  « Qu’est-ce que j’aime dans le numérique ? ». Il est important que ceux qui prennent plaisir à utiliser un outil aient, pour parler savamment, une conscientisation de ce plaisir et comprennent que les personnes qu’ils conseillent ou forment ne le partagent pas forcément, ne serait-ce que pour trouver les meilleurs moyens de les amener à l’éprouver également. Pour ce qui est du penchant contraire, l’intérêt pour les objectifs à atteindre, la même conscientisation importe tout autant. À cet égard, une expertise numérique ne doit pas se contenter de fixer des objectifs, définir un plan d’action, mais doit prendre en compte le penchant inverse, celui du plaisir à utiliser un outil, des outils numériques, pour éviter précisément les résistances au changement que beaucoup déplorent.