La nouvelle posture du formateur

13 Déc


Calendrier du 13 décembre 2021
par Isabelle Langouët et Guillaume Singeot
, STRATICE

La formation multimodale et digitale demande aux formateurs de modifier leur posture de base de sachant intervenant sur leurs champs de connaissances et de compétences couplés à leurs connaissances des processus d’apprentissage. Même ceux qui utilisent les techniques d’animation les plus participatives découvrent pour beaucoup un nouvel univers : la formation à distance.

En effet, ils sont maintenant sollicités sur des compétences de scénarisation et d’animation de formation hybrides ou 100% à distance et, pour boucler la boucle, sur la conception et la production de ressources numériques (produites par eux-mêmes ou par des prestataires externes). 

Scénariser, animer, produire des ressources pédagogiques pour des formations multimodales et digitales, ce n’est quand même pas tout à fait la même chose que pour une formation en présentiel et cela fait appel à une multitude de connaissances sur les pratiques pédagogiques innovantes et utilisant le numérique. Une question se pose alors: comment favoriser dans de bonnes conditions la transition vers de nouvelles modalités?

D’où la raison pour laquelle nous pensons que le formateur ne peut plus rester seul dans son coin, pour sa santé mentale professionnelle et pour la santé également de l’organisme de formation pour lequel il travaille.

Aujourd’hui, de nouvelles méthodes d’organisation du travail apparaissent avec bien souvent des conditions qui se veulent modernes et attractives  mais qui  n’accompagnent pas à long terme les équipes pédagogiques.

Continuons donc à abuser des mots co-conception, co-production et co-animation mais au-delà d’abuser des mots, mettons-les en pratique au sein des organismes de formation. Donnons du sens et une réalité !

Voici quelques pistes de mises en pratiques qui ne se veulent bien évidemment pas exhaustives : 

  1. Alors bien sûr, en sensibilisant les formateurs aux champs des possibles sur la formation multimodale et digitale mais aussi et surtout en impliquant les Directions dans une réflexion pour définir la stratégie de l’organisme de formation pour que les formateurs ne partent pas dans tous les sens et ne se noient pas dans un océan de possibilités. Il est urgent de donner du sens au numérique. Pour cela, il faut régulièrement communiquer sur le lien que le numérique a avec leur métier : quel est l’intérêt de l’offre de formation telle que leur organisme de formation la propose ? En  en quoi l’action du formateur s’inscrit dans la stratégie de l’organisme de formation ? 

    L’organisme de formation qui propose des actions de sensibilisation ou de formation à des outils numériques aura l’impression d’avoir fait le job mais le formateur attend (inconsciemment) qu’on lui donne sa feuille de route, une méthodologie claire : que dois-je faire en priorité ? Je crée les séquences de formation en ligne sur le LMS pour mes cours en présentiel afin que les apprenants puissent récupérer ce dont ils ont besoin pour réviser ? Dois-je utiliser le LMS déjà en place pour déposer mes PowerPoint que j’utilise pour animer mes sessions en présentiel ? Dois-je apprendre à utiliser un outil de quiz pour évaluer les apprenants en ligne ? Au secours, aidez-moi à y voir plus clair !!!!

    Avec cette première piste déjà, le formateur est moins seul : il échange à chaque étape, s’interroge sur ses pratiques, évolue…  
  1. Une deuxième piste est de faire en sorte d’habituer les formateurs à travailler autrement que seul sur la partie de la formation pour laquelle ils interviennent. Les faire travailler ensemble pour rendre cohérent le parcours de formation de l’apprenant. Adopter des modes de travail en mode projet autour d’un livrable : la formation. Faire en sorte que les formateurs travaillent en mode projet, c’est-à-dire avec les autres formateurs, chacun avec des tâches bien définies et des livrables clairs. Invitons les directions à mettre en place des activités collaboratives et des temps adaptés au travail en équipe, mais réellement collaboratif : la machine à café n’est pas le seul endroit où les formateurs peuvent échanger.
  1. Une troisième piste est d’organiser des ateliers inspirés des méthodes de Design Thinking qui permettent de mettre différents profils différents autour de la conception d’une formation, ce qui permet de confronter des pratiques pédagogiques différentes avec des objectifs prédéfinis collectivement.Cette façon d’animer des temps de groupes permet à chacun d’imaginer, de sortir de ses habitudes et à l’organisme de capitaliser sur des compétences et des expériences diverses en matières de pratiques pédagogiques. 
  1. Une quatrième piste concerne la co-production de ressources numériques  : produire des ressources numériques est chronophage et énergivore. Chaque formateur.trice a des ressources adaptées à ses cours en présentiel. Or, celles-ci doivent être adaptées pour rentrer dans un scénario de formation multimodale et digitale (format type capsule, visuels plus impactants, moins de textes, etc.). C’est l’occasion de mutualiser les ressources entre collègues et de produire de nouvelles ressources numériques qui seront utilisées comme “grains pédagogiques”. Un temps de cadrage en amont est donc nécessaire pour s’assurer que chaque formateur peut s’approprier la ressource, en tenant compte des autres.Les échanges et la confrontation des idées participent à l’innovation pédagogique. 

Après la phase récréative des ateliers organisés avec des formateurs.trices qui se montrent vivement intéressé.e.s par ces méthodes de travail plus collaboratives, on réalise alors vite l’incapacité de transférer ces méthodes et outils dans la vraie vie professionnelle des formateurs. Non pas par la difficulté “technique” que cela représente mais tout simplement parce que même si individuellement la majorité est convaincue qu’on va plus loin à plusieurs, il est très difficile de mettre en place de nouvelles méthodes de travail lorsque celles-ci ne sont pas inscrites dans la culture de l’organisme de formation.

Les formateurs ne pourront pas d’eux-mêmes impulser collectivement ces nouvelles méthodes de travail même si individuellement ils sont convaincus de leurs bienfaits. On peut donc s’interroger si les entreprises ne devraient pas inscrire ces temps de travail collectif dans une charte de travail… 

Avec le développement du télétravail, l’éloignement géographique et un agenda de travail déjà bien rempli, les organismes de formation se devront d’impulser une ambiance propice, libérer du temps, mettre en œuvre différentes actions pour que chaque formateur puissent redéfinir le sens de son travail dans une société qui accélère les changements. 

Nous, nous ne sommes pas peu fiers d’avoir réussi cette semaine à avoir consacré ce temps de travail collectif pour écrire cet article à 4 mains et 2 têtes afin de partager nos réflexions avec vous chers lecteurs… 

Joyeux temps de partage en cette période de Noël, et au-delà… 

Crédits photos : David Olivier-Unsplash